12-6: GPG 16



Le videur s’écarte.

Sommes à l’intérieur.


Tout à fait mon genre de bouge.  Enfumé, voire nébuleux,
et définitivement
interlope. Dans le fond, une scène que se partage
une quinzaine de musiciens de diverses origines et espèces, parmi lesquels
un volatile au bec pris dans un harmonica en os, une girafe sans pattes
qui joue indiscutablement du théorbe, un groupe de percussionnistes
roses et imberbes et trapézoïdaux, un phasme aux longs cheveux soyeux collé à son youkélé
des sables, un trio d’asperges vibrantes recroquevillées sur leur instrument qu’on pourrait  appeler saxophone si les saxophones
vous regardaient droit dans les yeux, sans ciller,
et tout devant, en pleine lumière, sous les feux,
un crooner,
une manière de crooner, grande chose mystérieuse
au cœur ouvert, palpitant, d’où sort un vieux blues dur
des montagnes.

Ailleurs, dans la salle, disséminés : extraterrestres
aux mines prédatrices, certains en scaphandre, d’autres visiblement nus,
une poulpe assez jolie se déplaçant dans une baignoire
sur roulettes, des Pile-Pile crépitant dru, et dans un coin sombre, contenus
dans les boîtes qui leur procurent
la chaleur et l’air toxique
dont ils ont besoin,
les terribles Pr ?°tan, dangereuses xénoformes-de-vie
que m’indique d’un souffle discret Hector,
en passant,
l’air de rien.


Mais surtout, comme il se doit, comme il se devait :
un barman patibulaire aux grandes oreilles feuillues
dressé fièrement derrière
son comptoir, protégeant
de son corps large et trapu
les bouteilles
qui renferment
tel un coffre son trésor
des liquides troubles
et incolores.



Pas besoin de tortiller :

m’approche du taulier, m’assois sur un tabouret
(étonnamment spongieux),
et demande fermement :
un GRAND verre d’OH.



S’il-vous-plaît.