13-7: GPG 37




C’est à peine si j’ose y mettre
le bout de la langue.

Ai trop peur : et si j’étais
déçu ?

Finalement :
lève le coude,
m’abouche
au goulot,
lève le coude
un peu plus.

Tout d’abord, pas grand-chose :
quelques notes discrètes, tout à fait comme
des notes de musique
étranglées dans l’œuf,
notes crémeuses
et notes d’herbe grillé
et notes de fumé,
avançant par nappes, avec douceur,
avec ductilité,
jusqu’à la première attaque,
sombre, brutale, océanique :
lames furieuses
vous glaçant les os,
vous giflant la moelle,
s’abattant
les unes après les autres
dans un grand vacarme
de tourbe noire et de marais,
de tanins rappelant le cuir des fouets,
de marées d’algues piégeuses
– puis la tempête,
la tempête véritable
dans la bouche :
palais décapé comme au sabre
épices iodées jusqu’à la trame,
débarquements d’agrumes sucrés
(la figure éphémère
d’un fruit du dragon)
inondations barbares,
fuites en arrière, débâcles de suints
métalliques, puis grâce
du dernier coup, de la finale
dont vous garderez le goût
sur la langue
comme un fumeur de pipe
garde le souvenir brun de la nicotine
dans la gorge
longtemps après
la laryngectomie.