– Tout à fait, répondis-je. Vous touchez là au fond de ma pensée. Les cris nocturnes, c’est de cela qu’il s’agit.
– C’est à se demander ce qu’ils leur font au juste, à nos filles, s’interrogea-t-on.
– C’est à se demander, répétai-je à voix basse, lugubrement.
– Elles hurlent comme des, passez-moi l’expression, bêtes sauvages, nota l’un de mes amis. Et parfois jusqu’à des quatre, jusqu’à des cinq heures du matin
– Peut-être les droguent-ils, peut-être hallucinent-elles, suggéra un autre.
– Seul le Dieu Seul le sait, fit doucement une voix pleine de piété.
– Peut-être, intoxiquées par des substances psychogènes, nos filles croient-elles voir d'ignobles farfadets, des esprits mauvais, des monstres bulbeux et terrifiants, supputa quelqu’un.
– En tout cas ça ne peut plus durer, m’exclamai-je, coupant court à ces hypothèses.
Les nuques de mes amis s’inclinèrent vers moi, et avec elles le reste de la tête. Ils étaient suspendus à mes lèvres. Une brise glaciale se leva.
Au-dessus de nous, les arbres plusieurs fois centenaires, ces dignes et rugueux représentants de la nature de notre admirable pays, se mirent à craquer de conserve, comme pour me signifier leur assentiment.
– Qu’est-ce à dire, « ça ne peut plus durer », cher ami ? m’interrogea-t-on.
Il n’en fallait pas plus pour me lancer enfin.