Barbares 5.2

 

Mais n’anticipons pas.

Nous étions donc là, sous le scintillement à peine perceptible des étoiles, à remâcher notre rancune contre les barbares et contre nous-mêmes, qui n’avions pas su nous montrer supérieurs au combat, les défaire et les humilier comme l’avaient fait nos grands-parents. Nous ressassions d’amers sentiments, en buvant du marc de mirabelles, en fumant des cigares qui n’étaient pas à proprement parler des cigares (les vrais avaient été gracieusement mis à disposition des forces d’occupation par le « nouveau gouvernement ») – mais plutôt d’épaisses cigarettes tachetées de brun.

La fumée bleue et l’alcool vif nous firent tourner la tête. Avec mépris, nous évoquâmes le terrible manque de savoir-vivre des barbares, leur maîtrise ô combien imparfaite de notre langue et la façon scandaleuse dont ils se comportaient avec nos filles, leur pétrissant sans arrêt les seins comme s’ils s’étaient agi de vulgaires boules de farine, les leur malaxant à toute heure du jour et de la nuit, même en notre présence, les leur pétrissant et les leur malaxant au moyen de ces grandes choses jamais lavées, presque vertes, qui pendaient au bout de leur bras et ne méritaient pas d’être appelées autrement que « paluches ».

– Et seul le Dieu Seul sait ce qu’ils leur font d’autres, ajoutai-je.

– Seul le Dieu Seul le sait, répéta aussitôt un de mes amis – signe de son excellence éducation religieuse et de la grande qualité des leçons subliminales de ses catéchiseurs.

– Voulez-vous parler des cris nocturnes, cher ami ? me demanda-t-on, comme je ne précisai pas davantage ce que j’entendais par « ce qu’ils leur font d’autre ».