2-1-18: premier monstre: STIHL




Je me lève matin.

Le monstre issu d’un angle du mur de ma chambre a tellement grossi entre crépuscule et aube, il a tellement enflé et envahi l’espace à partir de l’angle que c’est à peine si ses bras, qu’on peut aussi qualifier de tentacules griffus, ne parviennent pas à me saisir la peau du cou quand je descends du lit, enfile mes chaussons et part appuyer sur le bouton de la bouilloire dans la cuisine, c’est une question vraiment de quelques centimètres – il faut à tout prix que je me débarrasse de ce monstre avant que ce monstre ne me déchiquète ou me charcute et torde les organes ou autre fin de mézigue plus sordide encore et dont je me passerais.

J’ai déjà songé scie, vous pensez, j’ai songé scie manuelle, ou taille-haie de marque allemande STIHL spécialiste en matériel de motoculture forestière, ou débroussailleuse de marque STIHL et aussi tronçonneuse de la même dite marque STIHL mais bon : quelle que soit la façon dont on le retourne le problème vous présente toujours identique figure – si on tranche dans le lard d’un monstre, on peut s’attendre à l’émission littérale de geysers d'un fluide orangé visqueux qui a certes peu en commun avec notre brave vieux sang humain mais partagent néanmoins avec lui, mis à part sa nature de liquide vital : son caractère maculatoire très mauvais pour tout ce qui est papier-peint, tapisseries, tapis et moquette, literie dont taies, couvre-taies et sous-taies, draps et alèse, couette et housse de couette sans parler du matelas, en bref on peut s'attendre à une salissure totale de toute la chambre tant et si bien qu’aucune société de nettoyage industriel ne voudrait ensuite se charger de l’affaire de remettre la pièce à neuf – outre que n’importe quel agent de n’importe quelle société s’évanouirait au premier pas à cause de l’odeur très très forte de bismuth le rapport investissement-profit serait trop faible – en sorte que je ne sais, quoi faire, peut-être vaudrait-il mieux somme toute que ce soit lui, le monstre, qui m'anéantisse, moi, dans la mesure où les soucis quotidiens domestiques qui nous pourrissent en général la vie, par exemple les monstres d'appartement, ont une nette tendance à disparaître comme magiquement dès que votre matière cérébrale et donc votre esprit sont réduits au plus pur appareil par l'événement de leur destruction concrète.