De quelque manière qu’on tourne
le truc, on finit toujours par y arriver. Ici. Maintenant. Quoi qu’on fasse. A
ce moment précis : où il faut expliquer la différence entre les physiciens
quantiques orthodoxes et les
physiciens quantiques hétérodoxes.
Mais pour ça on a besoin du chat.
Vous voyez de quel chat je parle.
Le chat dans une boîte. L’expérience du chat.
L’affaire est connue. Qui,
d’ailleurs, (se rêvant physicien quantique), n’a pas tenté de réaliser cette
expérience dans ses jeunes années ?
C’est en plus une expérience très
simple.
N’importe qui peut s’y essayer. Avec
peu de moyens.
Mis à part vous. Vu que vous êtes
mort.
Car une fois mort on a plus
d’argent pour acheter du matériel ni de facultés préhensiles pour mettre en
place le matériel alors autant ne pas vous le cacher plus longtemps : les
petites expériences scientifiques d’amateur à la maison le dimanche, c’est fini
pour vous. Comme le reste. La froideur délicieuse d’une glace
vanille-chocolat-chantilly contre vos gencives par une fin superbe d’après-midi
d’été ? Ça aussi c’est fini.
Mais nous les vivants rien ne
nous empêche de refaire l’expérience pour les besoins de la démonstration.
Tout ce qu’il faut, c’est un
chat.
Et une boîte.
Et un dispositif létal foudroyant
(à base d’acide ou de dynamite) qui a cinquante % de chances, tout pile, pas un
% de plus ni de moins, de se déclencher au bout de mettons trois minutes. (La
plupart des dispositifs létaux vendus dans le commerce ont une minuterie
réglable, si on n’a pas la patience d’attendre trois minutes on peut la mettre
sur une minute, si c’est pas assez long parce qu’on aime bien faire durer le
plaisir on peut mettre plus).
On met le chat dans la boîte.
C’est une boîte résistante, bien fermée, le chat est prisonnier.
Et on règle la minuterie du
dispositif sur trois (là on dit trois minutes mais en vrai on fait comme on
veut). On surveille sa montre.
Quand trois minutes sont passées,
le dispositif a dû se déclencher ou ne pas se déclencher. De l’extérieur on ne
saura pas. Le dispositif létal a été conçu pour être le plus silencieux
possible et la boîte on l’aura choisie opaque et insonorisée de façon qu’elle
ne laisse rien paraître de ce qui peut se passer en elle.
Alors on attend encore trois
minutes.
Et pendant ces trois dernières
minutes-là le chat va se trouver dans un état de superposition quantique.
On peut même attendre plus
longtemps.
Tant qu’on n’ouvre pas la boîte
et qu’on ne sait pas ce qui s’est passé à l’intérieur le chat restera
superposé.
Puis on ouvre la boîte. Soit le
chat est dans la boîte, il va bien, il a eu un peu peur mais là ça va, il
ronronne, il veut bien des croquettes pour se remettre de ses émotions.
Soit il n’y a plus rien dans la
boîte.