Barbares 4.1

 

La porte de notre maison s’ouvrit donc en grand devant le barbare qui, à mon avis, en prit plein les mirettes.

Tout était nickel et brillant. Tout resplendissait. D’épais tapis en peau d’ours exotiques qui me venaient de mon arrière-grand-mère côté maternel couvraient par endroits le parquet impeccable tandis qu’étincelaient au plafond les mille gemmes de luminaires récemment briqués ; un feu de compagnie crépitait dans la cheminée de pierre antique, projetant des ombres ondoyantes sur les tableaux de maîtres, petits et grands, suspendus au-dessus de différentes pièces de mobilier en marbre ; les toiles en question présentaient en vives couleurs des scènes de chasse ou de cour d’un réalisme franchement frappant.   

 – Entrez, dis-je au barbare, bien qu’il m’en coûtât. Vous me ferez le très grand plaisir de vous déchausser et d'enfiler ceci.

Il poussa un grognement caverneux, saisit les patins que je lui présentais dans le battoir massif qui lui tenait lieu de main et les considéra un moment avec perplexité.

– Pour ne pas abîmer les parquets, précisai-je.

Le bougre gigantesque parut un moment désorienté. Derrière la bête de guerre, compris-je, se dissimulait un garçonnet hagard, ignorant des us et coutumes les plus simples.

Mais alors, les veines de son front enflèrent drastiquement. Son visage se teinta d’un rouge très sombre.

  On n’est pas des mauviettes, éructa-t-il en laissant tomber les patins par terre.

– Quoi donc ? dis-je, car je n’étais vraiment pas sûr d’avoir entendu ce que j’avais entendu.  

– On n’est pas des mauviettes, reprit-il, en faisant un effort pour articuler. On met pas des trucs comme ça sur nos pieds chez nous.

– C’est pourtant essentiel, insistai-je. Si vous ne voulez pas fusiller vos parquets en trois semaines.