29-1: réveil (GPG2)

Ouvre les yeux.
Regarde ma montre : deux siècles plus tard.
Aurais jamais cru que ces histoires de cryogénie
finiraient par marcher.

Frissons, membres engourdis, cœur gelé.
Ce qu’il faudrait,
c’est un bon whisky.

On me jette une serviette.

Un jeune homme s’approche, le visage émacié, cireux.
Sans expression.
Frictionnez-vous, ordonne-t-il.

Suis dans un hangar. Néons aveuglants, bizarrement intriqués,
formant un motif corallien, obsessionnel, hypnotique.
Lumière turquoise douloureuse.
Ma femme morte depuis deux cents dix ans maintenant.

Qu’est-ce que vous faisiez
avant la mise
en glace,
demande le jeune homme.

Comprends pas.

Votre travail avant de mourir ?

Il prononce mourir comme on crache un vieux glaviot
épais, jaunâtre,
grumeleux.

Poète. Dis-je.
Vous avez sûrement lu un
de mes immortels poèmes.
Pas impossible même que vous ayez appris
un certain nombre
de mes immortels poèmes
à l’école.

Pas de réaction.

Sammy Sapin, je déclare,
en lui tendant la main.

(D’habitude, ça fait son petit effet.)

Jamais entendu parler, dit le jeune. Mais rassurez-vous.
Vous n’êtes pas le premier à se rendre compte
au Réveil
que tout le monde

l’a oublié.