8-6: GPG 13

Plafond du hangar à chaloupes : voûte étrange,
comme un gros cintre tordu, poisseux,
humide.


D’ailleurs : une goutte glacée  m’en tombe sur le crâne.
Ne suis pas assez couvert.
Me faudrait un cache-nez en laine d’Irlande,
et un plaid, et un bonnet, et un bon Damart.


Sans ça suis bon pour la pneumonie.
A mon âge : à deux cents quatre-vingt-cinq ans !


Cela dit : n’ai jamais rien eu contre une bonne pneumonie,
bien foudroyante. La pneumonie vaut sans doute mieux
que ce qui m’attend.


Que ce qui nous attend : moi et la centaine d’autres bidasses
sans doute mêmement Réveillés de frais, en partance
pour les confins de l’univers connu
armés seulement
de notre petit sexe tremblotant
et d’un protophaseur
(à supposer qu’un protophaseur soit une arme),
avec
dans nos yeux la même détresse ovine,
dans nos crânes les mêmes souvenirs s’entrechoquant :
la mort sur terre, l’agonie, les derniers instants, le dernier visage,
la famille, les pleurs, l’absence, la blancheur de la chambre
d’hôpital, les infirmières qui augmentent morphine et sédatif,
la lumière qui faiblit,
la pénombre,
l’ombre.


Puis la sortie du caisson cryogénique,
les visages inconnus, le monde étranger, l’espace,

puis ce hangar.


Et maintenant, et bientôt : tous au cœur de nulle part,
azimutés, les tripes encore
retournées par la violence
de l’atterrissage,
chancelant
sur une planète de gaz et de feu
– aux lunes écaillées, vipérines, aux montagnes fumigènes,
au sol criblé de lèpre, squameux, constellé de pierres
toxiques, aux rivières empoisonnées, marneuses, purulentes –
tous étouffant dans nos scaphandres, effarés, perdus,

et bientôt
le souffle prédateur dans notre dos,
bientôt
nos nuques brisées
sous les crocs, sous les mâchoires sauriennes,
bientôt la mort
la mort pour de bon,  
sans glace et sans réveil.