Pour être tout à fait honnête on
sait assez peu de choses sur les physiciens quantiques hétérodoxes. Sinon que
la plupart d’entre eux résident dans l’Ontario ou dans le Massachusetts, ce
qui ne les empêche pas d’avoir une hygiène de vie assez européenne, en ce sens
qu’ils boivent surtout de la chicorée le matin (accompagné d’un fruit, un
agrume de préférence) et éventuellement du guignolet-kirsch le soir, à
l’occasion, par exemple quand un autre physicien quantique vient les visiter
pour leur parler d’une idée impossible qu’il a eue. On sait également qu’ils
ont en général des femmes discrètes, douces, qui travaillent dans le
secrétariat médical et écrivent des romans d’horreur. Sauf si le physicien
quantique hétérodoxe est une femme, ce qui arrive plus souvent qu’on ne le
soupçonne. Auquel cas elle (le physicien quantique femme) aura un homme
discret, doux, qui travaille dans le secrétariat médical et écrit des romans
qui vous tiendront éveillés toute la nuit (et ce même si vous en arrêtez la
lecture au bout de quelques pages). Le physicien quantique hétérodoxe peut
aussi être homosexuel et ça ne changera rien dans le fond, il aura un
partenaire doux-discret secrétaire médical de l’un ou l’autre sexe qui écrira
des romans qui donne envie de se cacher sous la couette pour échapper aux monstres
déguisés en petites filles innocentes. On n’exclura pas non plus la possibilité
que le physicien quantique hétérodoxe soit polygame et/ou en union libre, si
c’est le cas c’est la même mis à part qu’il aura plusieurs partenaires
discretsdoux secrétaires médicales/ux écrivant des romans dont on ne sait pas
si on a vraiment envie de les lire jusqu’au bout mais on lit quand même la
suite et c’est encore plus affreux que tout ce qu’on avait imaginé puisqu’en
plus du reste la petite fille innocente-monstrueuse se révèle être la petite
sœur disparue d’un des personnages principaux auxquels on s’était bien attaché
et alors doit-il la tuer ou ne pas la tuer ?
Bien malin qui répondrait
facilement et sans hésiter à cette dernière question. Bien malin.
Voilà pour le côté étude de
terrain, mœurs-et-culture des physiciens quantiques hétérodoxes.
Maintenant voyons la théorie.
Enfin une des théories.*
C’est l’interprétation dite
d’Everett. A cause d’Everett : Hugh Everett.**
L’idée est assez simple, encore
qu’intrigante :
quand on ouvre la boîte avec le
chat mort-vivant, ce qui se passe pour de vrai, c’est que l’univers se divise
en deux :
un premier univers dans lequel on est en train de regarder un chat en parfaite santé,
et un univers bis dans lequel une autre
personne qui est également nous regarde l’intérieur d’une boîte vide.
*Il existe plusieurs
interprétations hétérodoxes de la physique quantique. Outre celle d’Everett qui
nous intéresse, on peut citer l’interprétation de l’onde-pilote développée par
Broglie et Bohm, et les théories de la réduction spontanées de Zeh. Ça fait au
moins deux autres. Mais au moment même où j’écris ces lignes, des communautés
secrètes de physiciens quantiques ultrahétérodoxes mettent au point de
nouvelles interprétations.
**1930 (naissance). Puis 1982
(mort). A grandi à Washington District of Columbia. Ses parents divorcent quand
il est petit. Il rencontre sa femme Nancy Gore pendant ses études à Princeton.
Se rend à Copenhague en 1959 pour rencontrer Niels Bohr et lui exposer sa
théorie. Niels Bohr se moque de lui et lui tape sur l’épaule avec condescendance,
comme si Hugh était fou. Son fils, Mark, devint une star du rock’n’roll, et sa
fille, Elizabeth, se suicida.